Au gré de la vie liturgique nativité

au_gre_de_la_vie_liturgiqueIcône écrite par Gilberte Massicotte-Éthier
www.massicotte-ethier.ca

« Et le Verbe s’est fait chair » : folie, bouleversement? Le cycle liturgique nous ramène à cet abîme que l’intelligence ne cernera jamais totalement dans des concepts, où le cœur est sollicité pour s’approcher du mystère alors que la liturgie terrestre et céleste s’unissent pour tirer à la fête riches et pauvres, entourés et esseulés, brillants et démunis, réformateurs et progressistes, actifs et contemplatifs… les catégories ne tiennent plus : le Roi du ciel se fait chair dans une mangeoire. Après lui avoir répété pendant l’Avent : « Viens, Maranatha ! », aujourd’hui c’est à son tour de nous appeler : « Viens ». La fête de la Nativité offre une réponse aux soifs infinies du cœur humain, dans ce qu’il y a de plus petit, simple, pauvre sur cette terre, dans quelque chose de tellement improbable : Emmanuel, « Dieu parmi nous ». Il reste à se taire, à contempler une telle énormité. L’icône nous entraîne dans le mystère.

Lecture de l’icône de la Nativité
Référence biblique : Luc 2, 3 … 14; Mt 2,1-2
Commentaire tiré de « L’art d’une rencontre… l’icône », Mireille Éthier et équipe, ainsi que de « Et le Verbe s’est fait chair », dans la revue « Vivre et célébrer », vol. 46, numéro 212, hiver 2012.

Dans la partie supérieure de l’icône, le cercle désigne le monde de Dieu. Une étoile s’y subdivise en trois rayons, signifiant que la Trinité toute entière est attentive et concernée par le mystère qui se déroule. Le Père demeure, l’Esprit Saint qui a ombré Marie pour la rendre féconde de Dieu, est présent sous forme de colombe. Les trois rayons descendent jusqu’à Jésus dans la mangeoire, ils traversent la grotte sombre, symbole de l’humanité tenue dans les ténèbres de son orgueil et de son refus de Dieu. Dans cette partie supérieure, les montagnes semblent en mouvement, signe du fabuleux bouleversement en train de se produire : le passage de l’incréé au créé. Bascule aussi du temps, il y aura un avant et un après Jésus Christ.

Dans la partie centrale de l’icône, Jésus apparaît tout petit dans son vêtement blanc, il est la lumière encore toute petite dans les ténèbres. Couché dans une crèche, on y lit l’humilité de celui par qui va s’opérer le salut du monde. Celui qui deviendra Pain de vie git aujourd’hui dans une mangeoire. Les langes préfigurent les bandelettes du tombeau d’où il en sortira vivant ! La trame du salut se dessine devant nos yeux.

À gauche du nimbe (auréole) de l’Enfant, les lettres IC CX apparaissent : abréviation grecque de Jésus Christ, Iesus Christus. Dans son nimbe, une croix dans laquelle est tracé le W O N; traduit en français par « Je suis », « Celui qui est », c’est ainsi que Dieu se révéla à Moïse au Buisson ardent (Exode 3, 1-15).

Les lettres grecques près du nimbe de Marie, MP OV, sont l’abréviation de « Marie, Mère de Dieu », elles soulignent son rôle immense dans le mystère de l’incarnation. Par sa taille, la Mère de Dieu apparaît comme le personnage le plus imposant de l’icône. À l’encontre d’autres lectures qui la présentent couchée à la Nativité cette version présente Marie à genou, grande, dans une variation de la Vierge Orante qui a les mains ouvertes, en prière pour l’humanité. Tournée vers nous, ses mains accueillent et offrent le nouveau-né venu sortir l’humanité de la nuit. Sérieuse, Marie est habitée du poids du mystère. Elle est vêtue du bleu de l’humanité et revêtue, par son Fils, du rouge de la divinité : non pour la dire Dieu mais pour souligner le rôle privilégié dont elle est revêtue quand Dieu se fait chair dans sa chair. Les trois étoiles sur son vêtement font référence à la triple virginité de la Mère de Dieu, avant, pendant et après l’enfantement : elle est préservée des effets de la chute, pour offrir le pur écrin où puissent se réaliser la rencontre de l’incréé et du créé. Chacune des étoiles est formée de huit branches : les quatre principales évoquent les points cardinaux et les huit, le chiffre de l’achèvement. En Marie se réalise le huitième jour, signe du monde nouveau qui advient quand elle donne naissance au Fils de Dieu.

En adoration, les anges de gauche, consacrés à la gloire de Dieu, sont inclinés vers Jésus ; leurs mains couvertes expriment le respect. Ceux de droite tendent la main en signe de reconnaissance de « Celui qui est », ils sont les messagers de la Bonne Nouvelle. L’un d’eux, les ailes battantes, est déjà engagé dans sa mission de messager de l’annonce.

Guidés par leur science, l’astrologie, les trois mages arrivent au nom de ceux et celles qui font une démarche pour rencontrer Dieu. La route a été longue et l’étoile, intrigante. À Jérusalem, ils interrogent les scribes, on leur indique Bethléem où ils trouvent le roi des Juifs. Pour lui, l’or au Roi du monde, l’encens au Dieu incarné et la myrrhe à l’homme mortel.

La tradition de réunir humains et animaux autour du lieu de naissance du Fils de Dieu remonte à Saint François qui eut l’idée de les intégrer lors d’une fête de Noël à Greccio. L’enracinement biblique remonte à Isaïe où le bœuf et l’âne reconnaissent leur maître alors que le peuple, lui, ne l’a pas reconnu. « Le bœuf connaît son propriétaire et l’âne la crèche de son maître, Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas » (Is 1,3). La crèche de Bethléem apparaît progressivement comme le lieu où naissent les temps nouveaux. Dans l’icône, les animaux sont pacifiés. L’âne préfigure déjà l’entrée de Jésus dans la ville de Jérusalem où il sera accueilli comme un roi sans attribut de puissance, monté sur un ânon. Le bœuf rappelle ce qui se passait au temple où l’on immolait les bêtes pour les sacrifices : on prenait leur vie alors que Jésus donnera la sienne.

Dans la partie inférieure de l’icône, le retrait de Joseph souligne qu’il n’est pas le père biologique de Jésus. La main au menton est un symbole pour indiquer, non tant le doute, que le fait de se laisser instruire pour s’ajuster au projet de Dieu. Le mouvement dans ses vêtements montre d’ailleurs que Joseph est travaillé de l’intérieur par l’Esprit de Dieu. Il se laisse rejoindre par la parole du prophète : « La jeune femme est enceinte, elle enfantera un Fils et on l’appellera Emmanuel, c’est-à-dire : Dieu avec nous ». (Isaïe 7, 10-14).

Les bergers symbolisent le peuple d’Israël, premier témoin de la venue de Dieu sur terre. Ils regardent vers le haut, attentifs au joyeux chant des anges. La végétation est aride depuis Adam, mais Jésus est un rejeton de la racine de Jessé, la terre refleurit avec sa naissance, la verdure l’exprime, symbole de vie.

Méditation

La terre offre une grotte, l’Inaccessible se laisse toucher.
Le pain de vie repose dans une mangeoire. La vie humaine est magnifiée.
Lumière, il n’éblouit pas… Gloria, il est né !